Cette lettre a été envoyée au ministère le 19
février 2002.
J'aimerais attirer ton attention sur un aspect de la procédure actuelle de
recrutement des Maîtres de Conférences (comme tu le verras, le problème est
moins aigu pour les postes de Professeurs) qui pénalise financièrement les
candidats: il s'agit des frais occasionnés par les auditions.
Les candidats qui sont retenus dans un premier temps par une commission de
spécialistes doivent ensuite être auditionnés; pour cela ils leur faut se
rendre dans la ville où la commission les a classés. Ils l'apprennent peu
de temps avant l'audition, ce qui ne leur permet pas de bénéficier de
tarifs avantageux, et ils doivent souvent se rendre dans des villes
éloignées les unes des autres, en un temps très bref. Cela occasionne des
frais importants qui sont le plus souvent à leur charge.
Que les candidats doivent financer eux-mêmes ces déplacements n'est pas
logique. Les universitaires qui leur demandent de venir sont, a priori,
intéressées pas les travaux de recherche de ces jeunes mathématiciens,
experts dans leur domaine, qui ont des choses intéressantes à raconter; les
membres de la commission de spécialistes devraient donc bénéficier de cet
entretien et il serait logique, me semble-t-il, que ce soient eux (ou
plutôt leur labo, ou leur UFR) qui financent les frais occasionnés. Comme
tu le sais, cela est purement théorique: dans la pratique, les auditions
sont le plus souvent assez formelles, et elles ont rarement le rôle qui
pourrait être celui que je viens de décrire. C'est un gachis regrettable.
Ce sont bien sûr les plus brillants candidats qui doivent subir le plus
grand nombre d'auditions, donc supporter une charge financière la plus
importante. Évidemment ils sont récompensés quand ils sont recrutés, mais
il n'en demeure pas moins qu'il y a là une injustice regrettable.
L'opération "postes" (soutenue par la SMF, ainsi que la SMAI et d'autres
associations) se soucie de cet état de fait depuis longtemps, et ses
représentants m'ont fait part de leur souhait d'y apporter un remède. J'ai
trouvé cette initiative séduisante et j'ai étudié avec eux depuis le
printemps dernier la possibilité de faire intervenir la SMF pour que ces
auditions fassent l'objet de remboursements. Nous avons beaucoup travaillé
sur ce dossier depuis plusieurs mois, mais je viens, après avoir demandé
l'avis du bureau, de désengager la SMF. Nous n'avons pas réussi à trouver
un cadre juridique qui permette de réaliser ce projet sans risque pour la
SMF. Notre trésorier m'a informé de la notion d'abus de droit qui consiste
à trouver une astuce légale pour contourner une règle générale de
comptabilité ou de fiscalité. Quand j'ai entrepris cette étude, je pensais
que la situation fiscale du CIRM serait bientôt résolue, mais elle ne l'est
toujours pas et la SMF est toujours dans le collimateur du fisc. Ce ne
serait pas raisonnable de ma part de faire courir des dangers à la SMF. Je
le regrette d'autant plus que je trouve l'idée de départ incontestable dans
son principe, et que le travail qui a été fourni par les membres de
l'opération "postes" pour résoudre cette question mérite d'être salué.
Tout le travail qu'ils ont accompli n'aura certainement pas été vain: il a
contribué à sensibiliser beaucoup de collègues sur ce problème. Ainsi
certains laboratoires vont rembourser directement des candidats
auditionnés: quelquefois les labos rembourseront leurs thésards qui vont
ailleurs passer des auditions, et quelquefois le remboursement donné par
les labos sera dans l'autre sens, pour les candidats venant de l'extérieur
pour être auditionnés. Cependant ce remboursement sera soumis à une
décision d'un contrôleur financier, et cette décision varie selon les
universités. À certains endroits il est possible de rembourser une mission
qui indique qu'il s'agit d'une audition, ailleurs il ne faut pas que le mot
"audition" apparaisse, mais il faut parler seulement d'exposé (c'est cette
nécessité de contourner la réglementation, ou plutôt l'interprétation de la
réglementation qu'en font certains contrôleurs financiers, qui est la
source des plus gros problèmes). Certaines universités refusent simplement
de rembourser ces missions.
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